Résauter l'intimitéLa reconstruction de l'aide sociale dans un Amsterdam précaire
Aux Pays-Bas, de plus en plus les responsabilités sociales sont confiées à des populations locales souvent précaires. A cet égard, Amsterdam se distingue comme pionnière d’un modèle d’ « aide sociale intimiste » qui se matérialise à travers un réseau d'institutions, d’organisations, de collectifs, et de bénévoles. Ce modèle encourage les personnes, collectifs, et associations à s’impliquer davantage au niveau du quartier, voire à assumer pleinement la réalisation d'une aide sociale, en s’appuyant sur des valeurs de voisinage, d’amitié, et d’empathie. Dans cette étude, j’examine comment un réseau de “pourvoyeurs sociaux,” confrontés à des ressources limitées, façonnent et naviguent ce paysage social en utilisant des relations personnelles, tout en réinventant l’État social en tant qu'infrastructure sociale.
À l'instar d'autres pays européens, les Pays-Bas ont transféré les responsabilités d’aide sociale au niveau local, en misant sur un réseau de quartier dynamique et bienveillant. Toutefois, comment édifier un tel réseau apte à délivrer une provision sociale intimiste dans un contexte marqué par la précarité ? Alors que les habitant·e·s d'Amsterdam sont confronté·e·s à une précarité croissante, à une pénurie d'emplois de qualité et à des listes d'attente de plus en plus longues pour les services sociaux, l'idée d’une aide sociale « intimiste » semble de plus en plus inaccessible.
Ce sentiment généralisé de désillusion à l'égard des structures sociales traditionnelles a toutefois engendré une vague d'expérimentation. Amsterdam est ainsi devenue un laboratoire d’innovation en matière d’aide sociale informelle et intimiste. Les décideur·euse·s politiques, les professionnel·le·s et les résident·e·s collaborent pour mettre en place ce que je qualifie de « réseaux d’aide sociale intimistes », ancrés dans les quartiers, afin de tisser de nouveaux filets de sécurité sociale. Cette infrastructure sociale émergente semble préfigurer une aide sociale informelle plus efficace, personnalisée et accessible.
Dans le cadre de ma recherche, je m'intéresse à la manière dont les professionnel·le·s du social conçoivent, façonnent et naviguent au sein de ce réseau informel d'aide sociale en entretenant des relations avec les bénéficiaires et entre professionnel·le·s. J'explore comment les divers acteur·rice·s sociaux (décideur·euse·s politiques, professionnel·le·s, bénévoles et résident·e·s) s'efforcent de cultiver un réseau de quartier d'aide sociale intimiste fondée sur des sentiments de voisinage, d'amitié et d'empathie, tout en étant contraint·e·s par des budgets limités et les défis quotidiens de la précarité, y compris les fardeaux émotionnels que cela entraîne.
J'examine également la dimension politique sous-jacente à ces expériences quotidiennes d'aide sociale, qui remettent en question les relations entre État et société ainsi qu'entre État et citoyen·ne·s. J'explore les rôles des différent·e·s acteur·rice·s sociaux dans la réinvention de l'infrastructure sociale à Amsterdam.
Au cœur de mon exploration se trouve Amsterdam Zuidoost, un quartier caractérisé par une démographie diverse, une précarité de l'emploi, des difficultés économiques et des sentiments de méfiance envers les institutions étatiques. Amsterdam Zuidoost illustre les dilemmes socio-politiques contemporains, en faisant ainsi un terrain propice à l'expérimentation en matière d'aide sociale.